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Recherche clinique financée par l'association en 2024

Kafrio® modifie la composition de l’air exhalé

Une étude clinique en cours menée par l’équipe du PR Sermet montre que la composition de l'air expiré est modifiée dès les premiers jours de traitement au Kaftrio®. Notre association, ABCF 2 : Mucoviscidose, a participé à la construction d’une chambre de culture innovante, baptisée « EtuVOCs », pour reproduire la génération des Composés Organiques Volatils relégués dans l’air. 

Les nouveaux défis de la mucoviscidose

La trithérapie Kaftrio® transforme les perspectives de milliers de personnes vivant avec la mucoviscidose, en améliorant notablement leur fonction pulmonaire et donc leur qualité de vie, mais aussi en apportant l’espoir que ce traitement les préserve le plus longtemps possible des agressions chroniques liées à la maladie. Les mécanismes exacts du médicament sont encore à l'étude, mais les recherches pointent vers un effet anti-inflammatoire dans les poumons, une diminution de la charge bactérienne et un remodelage du microbiome pulmonaire. Néanmoins, les patients ne sont pas guéris et il s’agit d’un traitement à vie dont on ignore encore les effets long-terme. Parfois, certains patients doivent interrompre le traitement, que ce soit pour cause d’effets secondaires, ou qu’ils ne répondent pas à la thérapie pour des raisons encore incomprises. Surtout, environ 10% des patients sont porteurs de mutations sans solution thérapeutique à ce jour.

Un suivi clinique rapproché, multidisciplinaire et personnalisé reste donc essentiel, et ce dès le plus jeune âge. Les critères de suivi traditionnels sont basés sur l’évaluation de la fonction respiratoire et l’analyse microbiologique des sécrétions bronchiques. Déjà peu fiables chez les enfants, ces mesures sont en train de devenir obsolètes chez les patients traités aux modulateurs de CFTR qui conservent une bonne fonction respiratoire et ne produisent plus de mucus. C’est pourquoi nous explorons de nouvelles approches pour évaluer l’état clinique des patients, telles que l’analyse des composés volatils dans l’air exhalé.

Les promesses de l’air exhalé

La volatilomique est l'étude des composés organiques volatils (COVs) relargués dans l'air par les organismes vivants, et notamment par les humains à travers l’air exhalé. Ces métabolites volatils résultent généralement de l'oxydation ou de la dégradation d'autres métabolites issus de processus physiologiques tels que la digestion, le vieillissement ou les réactions inflammatoires, se produisant dans les poumons, ou transportés par le sang depuis d’autres organes. Comme ils reflètent le métabolisme, ils constituent des biomarqueurs potentiels de nombreuses maladies. Par ailleurs, la collecte de l’air exhalé est non-invasive et son analyse est possible en temps réel, au lit du patient ou dans la pièce de consultation, même sur un sujet endormi, ce qui en fait un outil idéal pour le suivi clinique personnalisé de l’enfant.

L'air expiré a notamment fait l’objet de nombreuses études chez l’adulte pour le diagnostic et le suivi des maladies respiratoires aiguës et chroniques comme l'asthme. Des études sur la mucoviscidose ont mis en évidence des différences dans la composition de l’air exhalé par rapport aux sujets sains ou asthmatiques, ainsi que des indicateurs liés aux exacerbations et infections pulmonaires, ou encore à la sévérité de la maladie.

Kaftrio modifie la composition de l’air exhalé chez les patients atteints de mucoviscidose

Une étude clinique en cours menée par notre équipe sur une cinquantaine d’enfants montre que la composition de l'air expiré est modifiée dès les premiers jours de traitement au Kaftrio® (résultats préliminaires en Figure 1.). Ce projet implémente en parallèle deux technologies analytiques complémentaires : une approche clinique qui détecte les COVs exhalés en temps réel grâce à un instrument appelé PTR-MS (proton-transfer reaction – mass spectrometry) (Figure 2A.) et une approche en différée sur des prélèvements d’air exhalé analysés. Dans ce cas, les COVs sont concentrés sur des cartouches (ou tubes) adsorbantes puis analysés plus tard au laboratoire par GC-MS (gas chromatography – mass spectrometry) (Figure 2C.). Cette deuxième méthode est plus chronophage apporte davantage d’informations sur l’identité chimique des COVs détectés. Ces analyses nous ont permis d’identifier plusieurs COVs relargués dans l’air exhalé par les cellules épithéliales pulmonaires ; cependant, les voies métaboliques, physiologiques et physiques menant à la génération de ces COVs, et la manière dont ces voies sont impactées par le traitement, restent à explorer.

Mieux comprendre la mucoviscidose grâce à la volatilomique

À cette fin, et grâce au soutien d’ABCF2, nous avons construit une chambre de culture innovante, baptisée « EtuVOCs », pour reproduire la génération de ces COVs par les cellules in vitro, dans un environnement contrôlé et des conditions expérimentales modulables. Ce dispositif unique a été spécialement conçu pour cultiver des cellules épithéliales respiratoires et recueillir les COVs libérés par celles-ci dans le même temps (Figure 3.). Les COV libérés pendant la culture cellulaire sont piégés et concentrés sur les mêmes tubes adsorbants qui sont utilisés pour collecter et concentrer l’air exhalé.

Au premier semestre 2024, ce projet a pris un nouvel élan grâce à l’acquisition d’un thermodésorbeur, rendue possible par l’association ABCF2. Cet équipement permet d’analyser directement les tubes adsorbant sur un PTR-MS, ce qui réduit considérablement le temps d’analyse (Figure 2B.). Par ailleurs, ce couplage novateur permet une comparaison directe des échantillons collectés sur tubes adsorbants avec les analyses réalisées sur l’air exhalé en temps réel. Grâce à cette nouvelle méthodologie, nous avons pu faire la preuve du concept « EtuVOCs » sur des cellules primaires, c’est-à-dire des cellules respiratoires collectées chez les patients par frotti nasal et multipliées in vitro.

Non seulement nous avons démontré que les cellules libèrent des COVs in vitro et que ceux-ci peuvent être piégés sur des tubes adsorbants et identifiés par spectrométrie de masse (Figure 4A.), mais encore avons-nous observé que le profil des COVs générés était modifié lorsque les cellules des patients étaient cultivées en présence de facteurs imitant l’inflammation (Figure 4B.) ou en présence du médicament Kaftrio (Figure 4C.).

Les perspectives

Notre travail à présent est d’explorer ces résultats plus en détail, d'identifier précisément les COVs modifiés et de les mettre en parallèle avec les profils de COVs détectés dans l’air exhalé des patients suivi en clinique. En élucidant leur(s) voie(s) de formation in vitro, on espère mieux comprendre la physiologie des poumons « muco » ainsi que les mécanismes d’action des modulateurs de CFTR. Plus largement, cette nouvelle approche permettra d’approfondir nos connaissances sur cette maladie et sur les fonctions biologiques de la protéine CFTR, dont le rôle régulateur dépasse largement le cadre de la mucoviscidose et qui apparait désormais comme une cible d’intérêt dans d’autres pathologies respiratoires.

A terme, ces COVs pourraient devenir des biomarqueurs alternatifs pour le suivi clinique non invasif des patients peu symptomatiques et pour l’évaluation précoce, voire la prédiction de l’efficacité du Kaftrio®, ou d’autres candidats médicaments, dans le cadre d’une démarche de thérapie personnalisée. Il s’agit là d’enjeux majeurs pour les futures générations qui vivront avec la mucoviscidose.

Figure 1.png

Figure 1. Evolution des profils de COVs, analysés par spectrométrie de masse, dans l’air exhalé de patients avant traitement (en rouge), après une semaine (en vert) puis un mois (en bleu) de traitement au Kaftrio. Chaque « point » représente un échantillon d’air exhalé positionné dans le graphe en fonction des COVs détectés, les échantillons prélevés sur un même patient sont reliés par des pointillés (analyse statistique multivariée PLS-DA).

Figure 2. Approche couplée volatilomique in vivo online/offline – in vitro et technologies associées.

Figure 3. Photos du système « EtuVOCs » construit à l’Institut Necker-Enfants Malades, au laboratoire du professeur Sermet ; figurant l’incubateur fermé à gauche, l’intérieur de l’incubateur comprenant la chambre de culture et les tubes adsorbants en haut à droite, et la chambre de culture ouverte en bas à droite.

Figure 4.png

Figure 4. Comparaison des profils de COVs collectés dans différents échantillons de cultures cellulaires grâce au système « EtuVOCs » et analysés par spectrométrie de masse. Chaque « point » dans le graphique représente un échantillon ; il est positionné en fonction des COVs détectés dans cet échantillon (analyse statistique multivariée PLS-DA).

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